Le point de vue de ma fenêtre
Note d’intention

Note d’intention


Au départ il y a une image mythique de Nicéphore Niépce, inventeur généralement méconnu de la photographie. Ce Point de vue du Gras est en effet la première photographie fixée à avoir survécu au temps. Juste un fragment de son quotidien à Chalon-sur-Saône, un échantillon de sa vue, cadrée sans effet, photo déjà moderne par sa banalité familière et son imperfection tranquillement abstraite.

Regarder le monde par ma fenêtre, accepter de n’en voir que ce fragment rectangulaire et le retrouver chaque jour jusqu’à le connaître par cœur, y traquer la nouveauté malgré tout… voici ce que j’ai toujours pratiqué moi-même, de lieu en lieu, depuis tout petit : un exercice de contemplation qui a pu être aussi un geste de survie. Ensuite il a suffi de travailler un peu le cadre pour me faire photographe !

Au fil des projets que j’ai menés entre portrait et territoire ces dernières années s’est développée cette pratique de photographier les gens en m’appuyant sur ce qu’ils choisissent de donner à voir. Pas juste ce qu’ils sont en apparence ou ce qu’ils possèdent mais littéralement partager ce qu’ils voient. Une invitation à regarder par-dessus leur épaule et souvent s’en émerveiller : oh, c’est comme ça que tu vois les choses ?!  Dans ma série Les limites nous regardent, c’était la frontière de leur univers réel ou symbolique, dans Mon lieu secret c’était bien souvent une planque, un perchoir, un nid d’où observer la vie…

Ainsi est née l’idée du projet Le point de vue de ma fenêtre / Vues partagées. Des gens qui présentent leur point de vue. Leur panorama de tous les jours sur la ville, la fenêtre qu’ils désignent en premier quand il ont une visite, leur fierté ou leur dépit. Un bout de ciel qu’on ne voit ainsi que de chez eux mais qui est à tout le monde. Il s’agit donc d’abord de portraits à domicile, mais sans s’attarder sur l’intimité du foyer. Les sujets sont a priori à la fenêtre, même si dérogations et détournements sont possibles (il y a de la place pour ceux qui préfèrent se tenir sur leur toit, à la porte du local collectif où filent leurs journées, voire derrière leur pare-brise…) : l’idée est d’être placé à l’endroit juste où chacun aime embrasser son monde du regard.


Si j’avais pas cette vue je me lèverais pas le matin.

Nous deux on a le même carré de fenêtre mais pas du tout la même vue.

Ce bâtiment en face pour lequel je n’ai aucune affection parce qu’il m’a mangé mon panorama…

Je balance un vinyle à fond et j’ouvre la fenêtre, c’est ma participation à l’ambiance du quartier.