Tant qu’il vécut chez les Shuars, il n’eut pas besoin de romans pour connaître l’amour. […] La femme offerte l’emmenait sur la berge du fleuve. Là, tout en entonnant des anents, elle le lavait, le parait et le parfumait, puis ils revenaient à la cabane s’ébattre sur une natte, les pieds en l’air, doucement chauffés par le foyer, sans cesser un instant de chanter les anents, poèmes nasillards qui décrivaient la beauté de leurs corps et la joie du plaisir que la magie de la description augmentait à l’infini.
C’était l’amour pur, sans autre finalité que l’amour pour l’amour. Sans possession et sans jalousie.
— Nul ne peut s’emparer de la foudre dans le ciel, et nul ne peut s’approprier le bonheur de l’autre au moment de l’abandon.
Luis Sepúlveda, Le vieux qui lisait des romans d’amour (traduction François Maspero, éd. Métailié, 1992.)