
« Notre corps ne nous appartient pas » : cette phrase brandie par les chefs court parmi les militants de base, elle traîne, elle circule. Vous n’êtes pas sûrs de bien la comprendre, d’en prendre vraiment la mesure, mais vous aimez l’absolu qu’elle désigne. La prison confirme cette dépossession, mais d’une tout autre façon : ton incarcération est le comble de l’aliénation, la taule est la continuation de l’usine, tu veux cependant l’aborder comme une épreuve ordinaire, presque anodine ou dérisoire, comme une occasion de t’aguerrir.
Depuis deux ans, depuis que tu es militant corps et âme, tu n’es plus tout à fait un individu. Ta vie singulière s’est effacée.
Tu te redis tout haut : Mon corps ne m’appartient pas.
Et aussi : Ne pas avoir peur de la mort.
Il y a dans ton activisme un certain goût du tragique.
Jean-Pierre Martin, N’oublie rien (L’Olivier, 2024).