Dans ma mansarde je me mets moi aussi souvent à la lucarne rien que pour voir les nuages.
Alors je sens que je vis encore.
Peter Handke
Au fil du confinement imposé pour enrayer la propagation du Covid19, cette question de se mettre à sa fenêtre d’une manière inhabituelle et, quelque part, plus consciente qu’avant, n’a pas fini de se poser…
Quelques notes très subjectives au fil de l’actualité, qui peuvent aider à positionner plus précisément ce projet-ci…
Journaux du confinement des écrivains
En quoi l’étalement des états d’âme des écrivains est-il soudain insupportable, pourquoi parler des oiseaux qui chantent à sa fenêtre si on a pu se réfugier à la campagne est-il soudain un signe ostentatoire, et de quoi — de richesse, d’insouciance ? Sans doute une vraie question, même si l’emballement propre aux réseaux sociaux sonne comme une vindicte facile et un peu disproportionnée. (Leïla Sleimani, puisque c’est la chef de file malgré elle de ce mouvement des écrivains épinglés comme nombrilistes égoïstes, semblait assez consciente d’être chanceuse dans sa campagne, elle a juste le manque de tact d’en parler au vu et au su de tous). C’est au moins autant sa disponibilité d’esprit aux petits plaisirs et son positivisme (s’émerveiller des petits riens, pourtant une recette éprouvée et vérifiée de la sagesse tranquille au quotidien) que sa maison de campagne (on n’a jamais dit que c’était un palais) qui est vécue comme une provocation par ceux qui se morfondent dans une situation que c’est objectivement compliqué de vivre comme une aubaine…
festif ou revendicatif
Convocation d’apéros à la fenêtre, engouement général pour la minute d’applaudissement de 20h, tentatives de faire évoluer cette gratitude vague et consensuelle vers des déploiement de banderoles en colère au balcon… Ces expressions qui contournent avec des inventivités diverses les contraintes de l’isolement me font penser, toutes proportions gardées, à la vie parallèle qui se maintient aux fenêtres des cellules, ce mélange de cris, suppliques et menus trafics de derrière les barreaux quand on longe une prison.
On est a priori un peu loin de la démarche contemplative, mais c’est aussi manière de faire quelque chose de joyeux tourné vers les autres malgré son isolement.
do it yourself ?
Avec l’équipe de l’Amin, on réfléchit à ce qu’on peut proposer à notre tour à « notre public », qui n’a plus que le web comme lien avec nous pendant quelques semaines. Personne ne veut remplir à tout prix le vide, rajouter encore des couches de contenus numériques sur lesquels chacun zappera depuis son ennui supposé… D’accord on parlera aux gens via l’écran, mais pour mieux les ramener au concret, à rester en action, à se préparer à la fête du déconfinement aussi. Peut-être qu’on va leur proposer de commencer à s’intéresser à la vue de leurs fenêtres, raconter ce qu’ils voient du monde depuis leur lucarne, que ce soit à Grigny ou à Paris. On pourra dessiner, le dire en mots ou en cadrant ça avec son smartphone, de quoi ouvrir le questionnement…
La Maison de la poésie et la Maison européenne de la photographie font projet commun sur un appel à tous aux allures de concours, #fenetresurlautre , où les premières contributions en ligne révèlent déjà un grand écart entre la tentation générale du selfie téléphoné et les ambitions d’écriture poétique des initiateurs de l’appel…
La fin du confinement m’a autorisé à publier une fragile galerie de mes propres Points de vue de ma fenêtre. Je ne m’inclus pas dans le cadre, ce ne sont pas des selfies, mais c’est une manière d’arroseur arrosé, et je le confirme : c’est pas rien, ce que je vois de derrière mes carreaux !
Le point de vue de ma fenêtre / Vues partagées