Nous vivons tant de vies à l’intérieur de la nôtre, des vies plus petites avec des personnes qui vont et qui viennent, des amis qui disparaissent, des enfants qui grandissent, et je ne suis pas sûre de savoir laquelle de mes vies est le cadre dans lequel s’inscrivent toutes les autres. Quand je suis fiévreuse ou amoureuse, tout semble évident, mon « moi » se retire et laisse la place à un bonheur sans nom, un tout dans lequel les détails sont préservés, inséparables et pourtant distincts, comme placés les uns à côté des autres. Après coup, je me rappelle cet état comme un état de grâce. C’est peut-être ainsi que le tout peut être raconté, avec des individus qui, de façon désordonnée, entrent et sortent à travers mon visage. Ni « début », ni « fin ». Aucune chronologie particulière, juste des instants et ce qui y advient.
Ia Genberg, Les détails (Le bruit du monde, 2023).