Nos chambres sont totalement ouvertes sur la ville, le parking et les arbres, par la magie d’une baie vitrée qui occupe l’entière quatrième paroi. Une merveille. J’ai la tête dans l’immeuble, les oreilles branchées sur le dedans, le dehors, et les battements de mon cœur accélèrent avec le moteur des mobylettes qu’ils essaient en bas. C’est juste qu’ils rigolaient, réalisai-je plus tard. Tous les endroits des premières peurs, on devrait y retourner pour les voir, les dénoncer et les défaire. Je dors la tête dans les mobylettes des mecs d’en bas, les oreilles dans les coussins dans les murs, intérieur, extérieur, combien de fois ai-je rêvé que les volets tombaient ? Julien vit trois étages en dessous, son poste à cassettes joue tour à tour NTM et Nirvana. Nous enregistrons les radios, notons proprement le nom des chansons sur les cassettes. Il y a un stock de cassettes vierges dans le placard en bois du salon. La voix par-dessus les chansons. Le petit poste de radio est rangé dans le même placard. Et nos dents de lait. Quelques secrets. Des fournitures. Des photos. Des lettres à la petite souris.
Marie Richeux, Climats de France (éd. Sabine Wespieser, 2017).