C’est donc tout vivant ?
Janet l’a compris avant lui.
Tout : bêtes, plantes, et, qui sait ? peut-être les pierres aussi.
Alors il ne peut plus lever le doigt sans faire couler des ruisseaux de douleur ?
L’idée monte en lui, comme un orage.
Elle écrase toute sa raison.
Elle fait mal. Elle hallucine.
L’ondulation des collines déroule lentement sur l’horizon ses anneaux de serpents.
La glèbe halète d’une aspiration légère. Une vie immense, très lente, mais terrible par sa force révélée, émeut le corps formidable de la terre, circule de mamelons en vallées, ploie la plaine, courbe les fleuves, hausse la lourde chair herbeuse. Tout à l’heure, pour se venger, elle va me soulever en plein ciel jusqu’où les alouettes perdent le souffle.
D’un rond de bras, Gondran rafle son carnier et monte à grandes enjambées à travers la colline sans oser siffler son chien.
Jean Giono, Colline (1929).